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El Watan

lundi 15 mars 2010

De l'utopie au replâtrage

Quatre ans après en avoir esquissé les contours pour gagner le concours, l’Agence d’architecture parisienne, Arte Charpentier, a enfin daigné montrer publiquement une image du projet qu’elle a conçu pour ce qui devait être le grand aménagement de la Baie d’Alger.

« L’éco-métropole du XXIe siècle », encore clamée en illustration de l’image en vue générale, a laissé pourtant se développer timidement un travail de ponçage-lustrage du port d’Alger et de ses alentours immédiats. Plus vers la mer, moins vers la ville. C’est du moins ce qui nous surprend dans cette carte postale affichée en guise de présentation tronquée de ce qui devait être le plus grand dessein jamais décidé pour enfin (ré)concilier la ville avec son penchant naturel : la portion de mer où elle plonge, les îlots réunis qui lui ont valu son nom. De ce qui a été imag(in)é en première instance par Arte Charpentier lors du projet présenté pour le concours, dans ce désir ardent de ressouder des morceaux égarés et de les faire revivre ensemble grâce à l’exploitation de ressources naturelles, il ne reste plus que des bribes accolées en toute hâte.

Toute l’énergie puisée dans les forces géophysiques du site, prises en charge de manière tellement subtile, tellement bien conçue, toute la pensée d’une ville trouvant dans l’acheminement réfléchi, maîtrisé, de ses eaux de ruissellement, de ses pentes, de son orientation, les moyens de contredire l’esprit de « l’autostrade », incontournable depuis Le Corbusier, sont désormais une lointaine idée abandonnée, trahie. Malmenée… L’eau s’en va, le site se cache, l’autostrade reste, plus affirmée que jamais… Finalement, nous avons historiquement du mal à dépasser ce geste (presque) gratuit, éphémère, spontané, du Corbusier, qui prolongeait sans vraiment le chercher les incessants coups de crayon barrant le chemin à la ville pour lui masquer son aire d’épanouissement que la nature lui avait offert en guise d’écrin. Confié à chaque échéance historique à la star du moment (Guiauchain, Frédéric Chassériau, Le Corbusier, Niemeyer… Arte Charpentier), afin d’espérer cadrer avec l’esprit d’une époque, le désir de mettre les atours de la ville en exergue finit par se plier devant ses incapacités manifestes à contenir le progrès. Car c’est la ville que l’on accusera, de nouveau, d’y être hostile.

Comme attachée jusqu’à l’étouffement à ses entassements, Alger se joue des utopies qui veulent lui donner le rôle d’illustration à faire rougir d’envie les autres portes méditerranéennes. Devant la taille du projet tel que signifié à l’aube de ce siècle, les moyens dégagés pour le réussir, la volonté annoncée de le mener à bout, nous croyions naïvement que le temps était enfin venu de libérer la ville de ses marasmes, au bonheur des âmes qui la hantent et en subissent quotidiennement les écarts de conduite. Malheureusement, elles vont devoir encore patienter un demi-siècle. A peine… Le replâtrage est de nouveau entré en vigueur.

Source : El Watan

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